CIVIPEDIA - Un collectif au service de la participation citoyenne
Entretien avec Thomas N'Dem et Matthieu Sanchez
Thomas N’Dem et Matthieu Sanchez sont les fondateurs de Civipedia, une initiative citoyenne travaillant à ce que la promesse de démocratie par le peuple et pour le peuple voit le jour concrètement dans le quotidien de tous.
Comment est née Civipedia ?
Matthieu
Civipedia est née de ma rencontre avec Thomas et de nos échanges initiaux sur la participation citoyenne. Je venais de participer à la Convention Citoyenne pour le Climat, tandis que Thomas s'était impliqué dans une convention locale à Nantes. Après ces expériences, nous nous sommes interrogés : que faire ensuite ? Comment donner une suite concrète à ces engagements ?
Nous avons constaté une forte mobilisation citoyenne et une multiplication des processus participatifs, mais souvent, ces dynamiques s'essoufflaient avec le temps. Trouvant regrettable que l'investissement citoyen puisse ainsi s'évanouir, nous avons voulu pérenniser cette richesse collective. L'objectif était de préserver et valoriser les idées et l'engagement des citoyens, en les outillant pour accompagner les collectivités, les entreprises et les institutions dans la transition écologique et sociale.
Au fil du temps, notre projet a évolué. Aujourd'hui, nous nous concentrons davantage sur l'accompagnement des acteurs locaux dans l'élaboration de démarches participatives, tout en veillant à ce que la voix des citoyens soit prise en compte. Depuis près de deux ans, Thomas déploie d'intenses efforts à Nantes pour tisser un réseau solide.
De mon côté, je multiplie les interventions en faveur de la participation citoyenne, que ce soit dans le milieu universitaire ou auprès d'organismes comme le CESE. Notre but est de consolider ce réseau et d'affermir nos convictions ainsi que nos méthodes pour offrir des solutions robustes à ceux qui aspirent à s'impliquer dans ce mouvement.
Quelle est la structure juridique de Civipedia ?
Thomas
Civipedia est une association en gestation, émanant de notre volonté issue de nos expériences au sein des conventions citoyennes. Initialement incertains de la pertinence de créer une nouvelle entité – redoutant de redonder avec des initiatives préexistantes – nous avons néanmoins découvert une particularité propre à Civipedia. Notre organisation, ancrée dans le tissu citoyen et résolument non partisane, se consacre exclusivement à favoriser le dialogue serein et constructif entre les individus pour co-créer des solutions. Notre approche repose sur la mise en place d'un cadre propice aux échanges constructifs.
Après deux ans de travail acharné, des opportunités ont commencé à surgir, en particulier avec les collectivités désireuses de s'engager dans des démarches citoyennes garantissant l'intégrité du processus. Dans le secteur privé, les entreprises souhaitant concevoir leurs politiques de responsabilité sociale et environnementale de manière inclusive reconnaissent également le besoin d'être guidées pour s'ouvrir efficacement aux citoyens.
À présent, nous franchissons le pas formel en enregistrant Civipedia comme association loi 1901, avec Nantes pour épicentre, où nous avons consolidé une base solide pour l'initiative. La structure de Civipedia se distingue : ni Matthieu ni Thomas ne brigueront les rôles de président, trésorier ou secrétaire. Nous nous consacrerons à l'exécutif, veillant au partage du pouvoir et à l'équilibre des forces. Dans cet esprit de transparence et de checks and balances, ce sont deux citoyennes, issues d'une convention citoyenne locale, qui assumeront initialement les fonctions au sein du bureau de l'association.
Le grand public a-t-il accès aux prestations de Civipedia?
Matthieu
L'accessibilité est au cœur de notre démarche chez Civipedia : notre ambition est d'être à la portée de tous. Loin de nous cantonner à être un soutien technique pour des collectivités ou institutions, nous aspirons à nous impliquer activement auprès des citoyens et à les encourager à nous solliciter. Ainsi, nous pourrons réfléchir collectivement à la mise en place de projets participatifs. Par exemple, j'interviens auprès d'entités institutionnelles qui, tout en étant formelles, impliquent les citoyens dans leurs démarches, telles que la fédération des centres sociaux du Nord Pas-de-Calais, qui s'intéresse à la participation citoyenne.
Nous sommes également en cours de collaboration avec la ville de Fontenay-sous-Bois pour encourager l'engagement citoyen dans la continuité des actions menées par les centres sociaux. Notre rôle est d'être au service des citoyens désireux de comprendre les rouages de la participation citoyenne et de bénéficier de notre expertise issue de diverses expériences. Bien que notre titre puisse évoquer celui de garant à l'instar de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), notre approche est différente. Nous cherchons à établir un contact direct avec les organisateurs, les participants et toute personne ou association souhaitant nous questionner. Je dois d'ailleurs intervenir prochainement dans l'Oise pour une association qui veut promouvoir l'idée d'une convention citoyenne auprès de sa collectivité locale, afin de discuter de la gestion de la gouvernance et de l'organisation de ce type de processus participatif.
Thomas
Pour clarifier, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) est une entité qui a développé et formalisé un ensemble de règles et méthodes destinées à l'organisation de débats publics. Ils ont consacré un effort considérable à divers aspects de ce sujet et fournissent ces ressources à qui souhaite les consulter. C'est une institution distincte du CESE, qui, lui, est chargé d'organiser des conventions nationales. Leur site offre un accès libre aux principes de la concertation citoyenne.
Notre particularité à Civipedia, par rapport à ces institutions, est notre origine et notre essence résolument citoyennes. Nous tenons à renforcer la confiance des citoyens en leur assurant que notre démarche est exempte de toute visée politique sous-jacente. Nous sommes des citoyens, engagés comme eux, et notre approche est fondée sur l'expérience et l'utilisation pratique des différentes méthodes de participation. Nous discernons leurs forces et leurs faiblesses et aspirons à travailler en collaboration pour établir un climat de confiance qui permette de se focaliser sur la transformation positive des territoires.
Nous ne remettons pas en question le travail des institutions, notre rôle est plutôt de leur proposer un partenariat citoyen essentiel pour consolider la confiance publique. Parfois, la défiance à l'égard des institutions peut s'ancrer dans des raisons historiques ou culturelles, ou encore des erreurs passées. Pour éviter que ces obstacles ne freinent le progrès, Civipedia s'attache à mettre en œuvre tous les éléments nécessaires à une avancée constructive.
Notre approche consiste à définir clairement la mission de nos réunions, à veiller ensemble à la bonne conduite des processus, et ce, de manière transparente. Nous n'imposons pas nos perspectives ; nous invitons plutôt les participants à comprendre les méthodes, à observer de façon critique et à contribuer à l'amélioration des processus. L'évaluation des résultats se fait également de manière ouverte.
Ce travail collaboratif s'étend aux personnes définissant les règles, celles fournissant les moyens nécessaires et celles prenant part activement aux initiatives. Il inclut également les experts consultants, dont les compétences spécifiques sont cruciales au bon fonctionnement des démarches participatives.
Nous avons passé deux ans à nous positionner par rapport à ces différents acteurs pour cerner et affirmer notre rôle distinct. Lorsqu'une démarche de concertation se construit, elle est composée de différentes briques ; Civipedia ambitionne d'être le ciment qui les unit, jouant ainsi le rôle d'agent de cohésion dans l'édification d'un projet participatif solide et fiable.
Comment facilitez-vous le dialogue sur des sujets très clivants ?
Matthieu
Ce qui est fascinant avec notre démarche, c'est que tous les participants viennent avec leurs propres opinions et découvrent un processus horizontal, novateur, qui bouscule les pratiques conventionnelles. Cette approche non hiérarchique désoriente initialement, mais elle permet d'instaurer un véritable débat serein où chacun peut exprimer son désaccord, échanger et réfléchir avec des points de vue divergents pour forger un projet collectif. C'est une qualité que nous avons pu constater dans les diverses initiatives que nous avons soutenues.
Lors de ma récente participation au comité de gouvernance de la convention citoyenne sur la fin de vie, un sujet notoirement clivant, le débat a été remarquablement apaisé malgré les divergences profondes. C'est la preuve de la capacité de ce genre de processus à favoriser un dialogue constructif.
En mettant tout le monde sur un pied d'égalité, avec le même niveau d'information, indépendamment du statut social, on permet des échanges autrement absents du débat public. Des observateurs ont même suggéré qu'un tel modèle de débat serait bénéfique à l'Assemblée nationale, où la capacité de délibérer malgré le désaccord pour le bien commun se fait rare.
Bien que les collectifs et institutions commencent à s'intéresser à ces méthodes, ils peinent parfois à en saisir toute la portée, habitués qu'ils sont à une dynamique descendante. Le travail en mode horizontal, en associant les citoyens à l'organisation de la réflexion, recentre le citoyen au cœur du processus décisionnel, donnant un sens renouvelé à l'action collective.
Dans cette optique, des démarches telles que la convention sur la fin de vie peuvent aboutir à des consensus ou des dissensus, des accords et désaccords, mais aboutissent néanmoins à la création d'un projet commun. C'est un phénomène de plus en plus précieux dans l'espace public, et cela souligne l'importance cruciale de la participation citoyenne.
Ces participations citoyennes sont-elles uniquement consultatives ?
Matthieu
Il est essentiel de distinguer les dynamiques entre l'échelle locale et l'échelle nationale dans le processus participatif. Localement, les collectivités, qui jouent souvent un rôle pivot dans la valorisation des démarches citoyennes, tendent à s'investir pleinement dans les projets qu'elles initient. Un exemple frappant est celui de la Convention citoyenne de Grenoble, où un effort considérable a été déployé pour concrétiser les propositions citoyennes. De même pour la Convention Est Ensemble, qui témoigne de l'importance des investissements réalisés dans ces processus, rendant les collectivités particulièrement attentives à l'application efficace des projets pour ne pas gaspiller les fonds publics.
Au niveau national, la situation diffère. Les initiatives semblent adopter une approche plus consultative. La Convention pour le climat en est un exemple probant ; initialement perçue comme un élément politique non identifié, ses résultats ont surpris, suggérant des changements ambitieux tels que des modifications constitutionnelles ou des appels à une action européenne accrue. Cette approche plus profonde a sans doute suscité des inquiétudes et des réajustements dans la perception et l'utilisation des contributions citoyennes.
Pour la deuxième convention nationale sur la fin de vie, postérieure à la loi organique, le cadre était modifié : il était clairement indiqué que les contributions des citoyens auraient un statut consultatif, mais seraient prises en compte sérieusement et avec intérêt. Bien que le projet de loi en préparation ne semble pas totalement aligné sur les ambitions citoyennes, il s'inspire largement de leurs propositions, illustrant une certaine reconnaissance de leur travail.
En résumé, il existe bien un décalage entre le niveau local, où les avis citoyens influent concrètement sur les décisions, et le niveau national, où la consultation citoyenne semble avoir un impact plus modéré. Cela reflète deux vitesses distinctes dans le traitement de la participation citoyenne : une implication directe et opérationnelle au niveau local contre un rôle consultatif et moins directement transformatif au niveau national.
Thomas
Je comparerais volontiers le processus participatif à l'acte de jardiner. Localement, on plante diverses initiatives citoyennes, telles des fleurs dispersées qui, au premier abord, ne semblent pas constituer un ensemble cohérent. Pourtant, à force de cultiver ces pratiques de collaboration avec les citoyens, on peut s'attendre à un réveil sur un paysage démocratique entièrement renouvelé, émergeant du terreau local.
Dans ce jardin démocratique, on ne dicte pas aux gens ce qu'ils doivent changer ou faire ; on leur présente plutôt les faits, les données sur un problème spécifique, et on leur demande : « Comment pouvons-nous travailler ensemble pour progresser ? » C'est ce choc initial de prise de conscience qui a marqué les participants des Conventions citoyennes, sur le climat ou sur la fin de vie. Ils ont pris la mesure des enjeux et ont engagé la conversation.
Grâce à un ensemble de méthodologies et à l'accompagnement d'experts à l'écoute, les citoyens peuvent échanger et se concerter efficacement. Ils sont mobilisés non pas pour imposer des solutions préconçues mais pour réfléchir collectivement à un problème commun. C'est en s'accordant sur un diagnostic partagé et en recherchant ensemble les moyens de progresser qu'ils parviennent à co-construire.
Cette démarche est une révélation pour beaucoup : la démocratie n'est pas un lieu d'affrontement par l'insulte ou la confrontation stérile, mais un espace de dialogue, d'écoute et de travail commun. C'est la réappropriation de cet esprit démocratique qui permet de faire fleurir des projets significatifs et durables.
Vous participez également à des projets à vocation artistique. Quels sont-ils ?
Thomas
Nous mettons l'accent sur la narration des expériences vécues par les citoyens pour dépasser la simple prescription de changements par les experts et les projets politiques, aussi bien intentionnés soient-ils. Il s'agit d'éviter de réduire le citoyen à un rôle passif, à l'image d'un hamster dans une roue, contraint de suivre un chemin qu'il n'a ni choisi ni contribué à définir. À la place, nous privilégions une écoute attentive, valorisant les récits personnels et collectifs.
Par exemple, nous avons collaboré avec Marie-Hélène Le Moine sur son documentaire "La philosophie des courgettes", qui illustre magnifiquement comment cinq femmes ont tissé des liens et s'entraident durant la crise du Covid. Nous nous inspirons également d'Emily Laliberté, depuis le Canada, pour sa capacité à narrer les expériences humaines en faveur d'une plus grande participation citoyenne.
Ces méthodologies sont au cœur de notre approche. Elles placent les gens dans une dynamique de conversation et de partage, ce qui permet de dégager des actions concrètes à entreprendre. Notre rôle consiste alors à connecter ces récits et ces besoins exprimés avec les collectivités locales, les associations, les entreprises et l'ensemble des acteurs du territoire pour concrétiser les initiatives. C'est dans cette écoute et cette mise en résonance des expériences que réside le moteur de notre action citoyenne, le cœur battant de notre engagement.
Matthieu
La bande dessinée sur la Convention Citoyenne pour le Climat est un bel exemple de la façon dont le multimédia peut vulgariser et rendre concrètes des propositions complexes. En offrant une vision graphique de la France transformée par ces propositions, la BD permet à ceux qui n'auraient pas naturellement abordé les textes de s'immerger rapidement dans l'esprit des changements proposés.
Cette méthode s'est révélée être un puissant vecteur de communication lors de la Convention sur la fin de vie, où les visuels créés par les facilitateurs graphiques sont devenus un pilier central pour les citoyens, utilisés par la suite pour engager le grand public. Ces éléments visuels jouent un rôle clé en rendant le travail des citoyens plus accessible, ce qui est crucial, car au fil de leur implication, les citoyens deviennent spécialistes dans ces domaines.
Pour ma part, j'ai remarqué que mon langage a évolué ; je me suis surpris à utiliser des acronymes techniques tels que CNDP ou CESE, ce qui n'était pas dans mes habitudes. Cela m'a fait prendre conscience de l'importance de rendre nos travaux accessibles et de communiquer d'une manière qui n'exclut personne. C'est précisément ce que nous cherchons à faire avec ces outils de médiation : s'assurer que notre travail reste ouvert et compréhensible à tous, en évitant de tomber dans un jargon trop technique ou élitiste.
Observez-vous une montée en puissance de l’implication citoyenne au cours des dernières années ?
Thomas
Je suis convaincu que les citoyens ont une réelle volonté de s'impliquer, mais les modalités de participation proposées ne rencontrent pas toujours leurs attentes, ce qui génère des déceptions. On observe que, malgré une certaine lassitude exprimée par certains, beaucoup, notamment les jeunes, sont désireux d'agir mais ne trouvent pas de réponses adéquates dans les structures institutionnelles existantes. Il est donc essentiel de repenser les voies de l'engagement citoyen.
Ce renouveau démocratique dont nous parlons est notre quotidien, il faut créer des espaces d'écoute et de collaboration où les citoyens peuvent réellement contribuer. Si à l'échelle nationale, la complexité des grandes institutions et la lenteur des processus peuvent être décourageantes, au niveau local, l'action est immédiate et tangible. On peut rassembler les gens autour d'une table pour discuter de ce qui est possible à leur échelle, et passer à l'action concrète, ce qui peut changer des vies.
Par exemple, lors des élections municipales, il est de coutume de voter tous les six ans, mais au-delà du vote, nous pouvons engendrer une dynamique locale continue qui valorise l'existence citoyenne et permet aux citoyens de s'exprimer et de contribuer en permanence. Cette approche est accessible et peut être mise en œuvre sans délai. Il s'agit de trouver un accord, parfois difficile, mais réalisable avec les élus et les services publics qui font partie intégrante de notre quotidien, que ce soit devant les écoles ou les composteurs collectifs.
Au niveau local, il est donc tout à fait possible de vivre ce renouveau démocratique et de redonner au citoyen un rôle actif. Même si au niveau national, cela reste plus complexe, les dynamiques locales ont le potentiel d'inspirer et d'influencer les échelons supérieurs.
Certaines catégories de la population sont-elles plus difficiles à mobiliser ?
Matthieu
Effectivement, la mobilisation citoyenne au niveau national bénéficie parfois des structures et mécanismes existants qui facilitent l'engagement des citoyens, comme les employeurs qui permettent aux salariés de se libérer pour participer. La participation citoyenne s'intègre progressivement dans les mœurs, rendant l'implication un peu moins ardue qu'auparavant. Néanmoins, certains groupes, notamment les actifs non diplômés ou les parents célibataires, restent difficiles à mobiliser, en raison des défis logistiques qu'ils rencontrent, comme la garde d'enfants.
Des réflexions sont menées pour surmonter ces obstacles, comme la mise en place de systèmes de garde ou la valorisation professionnelle pour ceux qui n'ont pas de diplômes. Ces efforts visent à rendre la participation plus accessible à tous. L'objectif pour les organisateurs est aussi de mobiliser ces groupes spécifiques.
Quant aux jeunes, il existe une dynamique impressionnante, semblable à un mouvement de fond dans le milieu universitaire, avec un réseau conséquent se formant autour de la participation citoyenne dans de nombreuses universités et institutions, à Fontainebleau, Créteil, Nantes, la Sorbonne, Nanterre, Lausanne et au sein de corps professionnels tels que l'IESF. Des initiatives comme une convention sur le développement de l'hydrogène avec des jeunes des corps des mines témoignent de l'implication croissante de la jeunesse.
Les dispositifs tels que les junior associations, soutenus par les centres sociaux et la CAF, se mobilisent également sur ces questions. Cela démontre un élan significatif chez les jeunes. Cependant, il est vrai que pour la population active, surtout celle âgée de 30 à 40 ans, l'engagement reste plus complexe, bien que des progrès soient en cours. La clé semble être la mise en place de conditions favorables qui permettent à chacun, quel que soit son âge ou sa situation, de participer pleinement à la vie civique.
Thomas
La dynamique de participation citoyenne est effectivement un phénomène global qui dépasse largement les frontières françaises. Prenons l'exemple de l'Afrique, où les changements politiques, qu'ils soient perçus comme positifs ou négatifs, voient une jeunesse extrêmement engagée. Avec une population jeune – l'âge médian autour de 19 ans –, ces jeunes Africains sont désireux de prendre en main leur avenir et d'adopter des approches différentes de celles du passé.
La question cruciale est de savoir comment canaliser et organiser cette énergie débordante. Des réflexions sont en cours sur l'entraide internationale, qui s'émancipe des actions des générations précédentes pour se concentrer sur l'entraide face aux défis locaux. Dans ce contexte, l'échange de méthodologies et la coopération internationale deviennent clés, notamment parmi les étudiants du monde entier.
Ce mouvement ne se limite pas à l'Afrique ; il se retrouve également au Québec et dans d'autres parties du monde où des initiatives citoyennes émergent. On observe aussi des parallèles dans le domaine de la santé avec le concept du "patient partenaire", où les patients participent activement à la redéfinition de leur parcours de santé – un travail qui a pris des décennies pour se concrétiser.
Chez Civipedia, on parle de développement d'un "citoyen partenaire". Comme l'a mentionné Mathieu, ces citoyens sont reconnus, accompagnés et leur contribution est valorisée. Cela permet à ceux qui ont quelque chose à apporter, mais qui se heurtent à des obstacles économiques ou de temps, d'être reconnus et valorisés, voire rémunérés ou accrédités par des diplômes.
En reconnaissant la valeur de ces contributions, on facilite l'entrée dans la conversation publique d'une manière véritablement reconnue. Cela apaise le débat public, déchargeant les services municipaux et les élus d'un poids historique et instaurant un dialogue constructif avec une représentation citoyenne permanente.
C'est une dynamique qui ouvre des portes, permettant aux citoyens de se sentir écoutés et valorisés. Bien que cela puisse paraître simple, il y a tout un système à mettre en place pour que cela fonctionne harmonieusement. Malgré la complexité des détails à régler, ce processus est porteur d'espoir et promet une participation citoyenne plus inclusive et efficace.
Quelles sont les prochaines étapes de votre projet ?
Thomas
La prochaine étape pour nous, c'est le lancement de notre site web opérationnel. Ce sera un moment important, marquant la publication de tous nos contenus, le fruit d'un effort collectif et progressif. L'équipe, qui a commencé à deux, a vu ses rangs s'élargir à dix personnes au cours des trois dernières semaines, avec l'arrivée de membres engagés et non de simples visiteurs de passage.
Ce développement témoigne de notre professionnalisation : nous serons non seulement en mesure de produire du contenu de qualité, mais aussi d'offrir un accompagnement adéquat. Il est réjouissant de constater cette croissance, de voir comment chaque personne, apportant ses idées et son expertise, contribue à la structuration de notre projet.
Avec la publication de cette entrevue, les lecteurs pourront nous retrouver sur civipedia.org. Ce sera l'occasion pour eux de découvrir nos travaux, de suivre nos évolutions et, surtout, de s'engager à nos côtés. Cette nouvelle structure qui émerge est également le fruit d'un accompagnement dédié que Matthieu a su magnifiquement structurer pour soutenir les collectivités dans leur démarche participative.
Matthieu
Depuis mon implication dans la Convention Climat, je n'ai cessé de me pencher sur ces questions essentielles. Ma participation y a attiré l'attention, et je suis sollicité régulièrement non seulement en tant qu'ancien membre de cette convention, mais maintenant aussi en tant que membre actif de Civipedia. Les projets ne cessent de se multiplier, comme celui que nous menons avec la collectivité de Fontenay-sous-Bois et mes engagements auprès des universitaires à Nanterre.
À l'Université de Nanterre, nous avons déjà des réalisations concrètes, mais il y a aussi de nouvelles interactions, comme avec la ville de Villejuif qui envisage une consultation citoyenne. Je me retrouve fréquemment en visioconférence avec des étudiants rédigeant leurs mémoires, ce qui est un aspect enrichissant de mon travail. La réflexion collective sur la participation citoyenne est vitale et en constante évolution.
Mon contact avec le Conseil économique, social et environnemental est également crucial pour continuer à apporter une perspective citoyenne. Avec une expérience diversifiée, allant du tirage au sort à la gouvernance de conventions, je propose un regard large et interpellant. Toutefois, je souligne régulièrement la nécessité de ne pas graver dans le marbre une approche unique de l'expérience citoyenne; chaque situation requiert sa propre identité et il est impératif d'ajuster les outils à chaque contexte.
L'objectif n'est pas d'imposer une méthode, mais de soutenir et d'accompagner les initiatives que les gens veulent mettre en œuvre. Actuellement, notre dynamique chez Civipedia est marquée par des phases plus calmes entrecoupées de périodes intenses avec de nouveaux projets, comme les retours d'expérience de la convention sur la fin de vie à l'université d'IELT. Cette alternance de rythmes illustre bien la nature ondulatoire de notre engagement en faveur de la participation citoyenne.
Comment financez-vous vos opérations ?
Thomas
Au début, notre implication avait la forme du bénévolat, car il était primordial pour nous de valider la valeur de notre contribution avant de songer à une quelconque rémunération. Il était essentiel de démontrer le sérieux et la pertinence de notre démarche, et de ne pas simplement "faire briller" un projet sans substance. Après deux années de travail bénévole, nous sommes maintenant convaincus de l'utilité et de l'impact de nos actions.
Nous voici à un tournant où nous cherchons à sécuriser les financements nécessaires pour nos initiatives futures. Nous avons franchi une étape significative avec la création d'une structure qui nous permet d'avoir un compte bancaire dédié et de gérer nos finances de façon transparente. Grâce au soutien d'Open Collective Europe, nous bénéficions désormais d'un statut juridique et fiscal qui nous permet de commencer à collecter des fonds.
Les personnes intéressées par notre travail et désireuses de soutenir nos efforts peuvent se rendre sur civipedia.org pour faire un don, qui sera, qui plus est, défiscalisable. Cela marque les débuts prometteurs de notre transition d'un engagement passionné à une organisation soutenue par sa communauté.
Matthieu
Initialement, j'ai envisagé notre initiative comme une extension du service public. Mon attachement personnel à l'idée du service public, lié à mon statut d'agent territorial et à mon éducation dans l'esprit de l'éducation populaire, rendait naturelle la notion de bénévolat dans les échanges avec les collectivités, institutions ou associations. Cependant, concilier ce travail avec mon emploi principal présente parfois des défis.
Aujourd'hui, nous sommes à un point où nous envisageons de professionnaliser davantage notre démarche. L'accompagnement que nous offrons est sérieux, et nous pourrions nous y investir davantage si une rémunération était envisageable. Cette réflexion sur la compensation financière est récente mais significative, elle souligne la reconnaissance de la valeur de notre travail par nos interlocuteurs.
C'est une période de transition, un tournant décisif. Nous sommes prêts à adopter une posture plus professionnelle et à accepter une rémunération pour le travail accompli, en réponse à la demande et à l'estimation de nos partenaires qui voient l'utilité et la valeur de ce que nous apportons. Cela marque le début d'une nouvelle phase pour notre engagement, où notre expertise est non seulement reconnue mais également valorisée à sa juste mesure.
Thomas
Oui, effectivement, le passage à une rémunération pour notre travail n'est pas seulement une question d'équilibre personnel ; c'est également une reconnaissance de notre rôle de catalyseur au sein des communautés avec lesquelles nous collaborons. Nous nous voyons comme un lien qui aide les acteurs locaux à réussir leurs projets participatifs. Cela nous permet de leur fournir non seulement notre expertise, mais aussi les ressources nécessaires pour que leurs initiatives soient menées dans les meilleures conditions possibles.
Il est inéquitable de s'attendre à ce que des individus, déjà sous pression, s'investissent davantage sans les soutenir de manière adéquate. Chercher des moyens de financement pour Civipedia et pour ceux avec qui nous travaillons est donc essentiel. Cela permet à ces acteurs de s'engager pleinement dans leur mission citoyenne sans se précariser davantage, et de se porter financièrement bien.
Nous devons adopter une approche économique centrée sur le bien-être, qui dépasse les indicateurs traditionnels comme le PIB et qui considère réellement le bien-être des individus et des écosystèmes. Chez Civipedia, la question du bien-être de l'autre et des moyens d'y parvenir doit être une priorité.
Un dernier message en guise de conclusion ?
Thomas
Je suis tout à fait d’accord avec cet état d’esprit qui accueille la critique et les suggestions constructives. C’est une approche dynamique et c’est ainsi que nous nous améliorons : en écoutant, en évaluant ce qui peut être perfectionné et en intégrant les feedbacks pour évoluer. Il est crucial de secouer l’arbre pour faire tomber les idées figées et permettre la croissance. Chez nous, l’idée est d’être dans une amélioration constante – que chaque jour soit une avancée par rapport au précédent et une étape vers un futur encore meilleur. C'est en s'ouvrant à ces échanges que nous pourrons, ensemble, avancer et enrichir nos projets.
Propos recueillis le 15.03.2024