ECCLESIA - Spiritualité, wokisme, fin des temps : les réponses d'une église engagée
Entretien avec Jean-François Moquin
Jean-François Moquin fait partie de l’équipe pastorale de l’église Ecclesia située à Saint-Jérôme au Québec.
De nos jours, la spiritualité semble principalement relever du domaine de l’expérience voire de l’expérimentation (New Age, chamanisme, ésotérisme, surnaturel, utilisation de psychotropes, etc.) avec un certain rejet des religions établies. Quelle est votre perception de ce phénomène ?
Effectivement, on observe ce phénomène, et je le trouve assez intéressant. Nietzsche avait prophétisé que la religion, qui était en quelque sorte la stratégie des pauvres pour se protéger des plus riches, allait disparaître. Or, cela ne s'est pas produit comme il l'avait prédit. Il y a eu certes une déconstruction des structures morales du passé, mais la quête spirituelle persiste.
À mon avis, la spiritualité d'aujourd'hui, qui relève de l'expérience et de l'expérimentation, confirme que l'homme est créé à l'image de Dieu. Comme le disait Saint Augustin, « Il y a dans le cœur de l'homme un vide en forme de Dieu que seul Dieu peut combler ». Cela démontre un besoin fondamental de transcendance. La quête religieuse continue de se manifester sous plusieurs formes, ce qui prouve que l'homme est intrinsèquement un être spirituel. La quête de transcendance est devenue un phénomène plus personnel qu’institutionnel.
Aujourd'hui, la quête de transcendance se manifeste dans une aspiration plus personnelle, et je pense que c'est pourquoi les gens se tournent vers d'autres formes de spiritualité
Historiquement, le christianisme s’est organisé l’aide d’une structure institutionnelle et cérémonielle. Ce n'est pas nécessairement une critique. Au Moyen Âge, par exemple, les symboles de la liturgie étaient un puissant outil pédagogique pour une population qui n’avait pas accès à une éducation comme nous connaissons.
Aujourd'hui, la quête de transcendance se manifeste dans une aspiration plus personnelle, et je pense que c'est pourquoi les gens se tournent vers d'autres formes de spiritualité. Justement, la perspective évangélique apporte une dynamique personnelle qui rejoint ce besoin d'une façon plus personnelle et moins institutionnalisée.
Comment expliquez-vous l’essor du mouvement évangélique au cours des dernières années en Amérique du Nord ?
C'est une question pertinente, mais en réalité, on assiste plutôt à un déclin du mouvement évangélique en Amérique du Nord, surtout aux États-Unis, pour qui l’histoire protestante et évangélique a été intrinsèquement liée à la formation de l’identité nationale. Cette identité est actuellement remise en question par la mouvance post-moderne et la philosophie woke, qui cherchent à déconstruire les repères culturels historiques et identitaires américains.
Au Canada, notre histoire diffère, mais l'influence de la culture woke progresse rapidement, notamment sous des Premiers ministres tels que Trudeau. Le mouvement est en déclin, car les nouvelles générations sont endoctrinées dans une philosophie pluraliste et woke. En effet, à l’image de l'idéologie marxiste, la stratégie de déconstruction de l'idéologie woke consiste à désigner un groupe en tant qu’"opprimés" et à prétendre vouloir les protéger d'un autre, désigné comme "oppresseurs". En somme, le membre de la communauté LGBTQ+ doit être protégé de l’homme hétérosexuel blanc et de ses valeurs chrétiennes conservatrices taxées d’intolérantes. C’est ainsi que le mouvement évangélique, avec ses valeurs traditionnelles familiales et de l’identité humaine, fait l’objet d’efforts de déconstruction systématique. L’endoctrinement dans les écoles et la censure dans les médias mainstream sont les outils stratégiques de déconstruction identitaire de l’idéologie woke.
j’ai la conviction profonde que nous pourrions assister à une rechristianisation de l'Occident, malgré la révolution marxiste et le wokisme qui, je crois, finiront par se heurter à un mur identitaire.
Des statistiques démontrent par contre que les évangéliques connaissent une croissance supérieure à celle des catholiques et des orthodoxes. Aussi, le taux de renouvellement générationnel chez les évangéliques est plus élevé. Je crois que cela est lié à la dimension personnelle et non institutionnelle du mouvement évangélique, qui préconise une expérience personnelle avec Dieu, directement et sans intermédiaire, à travers l’œuvre et la personne de Jésus. L'Église n'est pas une fin en soi, mais un lieu d'encouragement dans cette quête personnelle.
Malgré cela, j’ai la conviction profonde que nous pourrions assister à une rechristianisation de l'Occident, malgré la révolution marxiste et le wokisme qui, je crois, finiront par se heurter à un mur identitaire. Les nations chercheront à retrouver leur identité historique, et pour nous, cette identité historique est enracinée au christianisme.
Au Québec, par exemple, beaucoup se sont éloignés du contrôle qu'exerçait l'Église catholique. Mais en revenant à leur identité chrétienne, dans un contexte où les divisions entre protestants et catholiques se sont estompées, on assiste à un retour aux racines. Le christianisme, dans son expression la plus personnelle, est incarné par le mouvement évangélique, qui semble le mieux répondre à cette recherche d'authenticité.
Quelles sont les principales motivations des personnes rejoignant l’église Ecclesia ?
La motivation principale des gens qui composent notre église est de découvrir Jésus et d'apprendre à vivre à sa suite en tant que ses disciples. Nous croyons que l’influence de Jésus nous pousse à rayonner et influencer positivement le monde autour de nous. Nous croyons que la société bénéficie des valeurs chrétiennes manifestées par les croyants.
Depuis les deux dernières années, nous observons une augmentation importante de gens qui se tournent pour la première fois vers une recherche de Jésus. Beaucoup, sans antécédents religieux et issus de divers horizons comme l'ésotérisme ou le Nouvel-Âge, découvrent Jésus parmi nous. Pour un nombre important, la crise sanitaire et les enjeux mondiaux ont produit un effet de désillusionnement et les ont poussés à chercher des réponses.
La crise sanitaire a profondément divisé de nombreuses communautés. Comment Ecclesia l’a-t-elle vécue ?
La crise sanitaire a été une épreuve pour Ecclesia, comme pour tous, exacerbée par la polarisation des opinions au sein même de l'église. Certains membres, alignés sur les directives gouvernementales, préconisaient la vaccination comme un acte chrétien de considération pour autrui. D'autres voyaient plutôt une tentative de retrait des libertés individuelles par le gouvernement. L'église a dû naviguer entre ces perspectives divergentes, cherchant à maintenir l'unité et l’amour malgré les différences de perspective, une démarche soutenue par les enseignements du Nouveau Testament.
La gestion des mesures sanitaires, telles que le port du masque et les restrictions de rassemblement, a ajouté une couche de complexité. L'Église n'est pas appelée à être anarchiste, c’est-à-dire à refuser les lois sociales établies. La Bible appelle les croyants à l'obéissance, oui, mais d'abord envers Dieu. Nous sommes instruits à respecter et prier pour les gouvernements civils, mais, lorsque les directives gouvernementales deviennent oppressives ou portent atteinte à notre conscience devant Dieu, l'Église doit choisir l'obéissance à Dieu. Elle doit défendre les pauvres, la veuve et l’orphelin. Ceci peut ultimement conduire à la désobéissance civile. En effet, la Bible contient à la fois un appel à l’obéissance civile et des exemples où, pour obéir à Dieu, les croyants ont dû désobéir aux autorités.
Ecclesia a traversé la crise sanitaire en privilégiant la sagesse, le dialogue et l'unité, tout en restant ferme sur ses principes et, dans son engagement à une obéissance complète à Dieu, en demeurant ouverte à la possibilité de la désobéissance civile lorsque les circonstances l'exigeaient
La question de la passe vaccinale a été particulièrement clivante. À Ecclésia, quant aux mesures gouvernementales, dès le début, au-delà des convictions de chacun, nous avons tracé une ligne dans le sable quant à ce qui pouvait faire l’objet d’accommodements raisonnables aux mesures (qu’on soit d’accord ou pas) et ce qui devenait clairement une atteinte au droit fondamental et à notre conscience. Pour nous, cette ligne était la passe vaccinale. Il nous paraissait impossible de refuser à des croyants de venir à l’église sur la base de la conformité à une consigne de société. Pour obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, nous avons donc refusé de demander la passe vaccinale pour venir à l’église. La désobéissance civile a été envisagée non pas comme un acte d'anarchie, mais comme un engagement à protéger et à prendre soin de la communauté, même au risque de sanctions légales. Cette position a nécessité un travail considérable d'enseignement et de dialogue au sein de la communauté, pour maintenir l’unité, l'accueil et le soin mutuel, mais elle a renforcé la cohésion et l'unité de l'église.
En somme, Ecclesia a traversé la crise sanitaire en privilégiant la sagesse, le dialogue et l'unité, tout en restant ferme sur ses principes et, dans son engagement à une obéissance complète à Dieu, en demeurant ouverte à la possibilité de la désobéissance civile lorsque les circonstances l'exigeaient, rappelant que l'Église doit parfois prendre position, comme dans le passé face à des régimes oppressifs.
Théorie du genre, restrictions des libertés fondamentales, transhumanisme : quelle est la position d’Ecclesia face à ces tendances sociétales ?
Ces sujets vastes ne font pas encore l'objet d'un consensus. Je participe au mouvement de Lausanne, qui réunit des leaders des quatre coins du monde pour discuter de ces questions et envisager la position de l'Église pour l'avenir, comme à l'horizon 2050. Il s’agit d’un mouvement œcuménique, incluant des catholiques, des protestants, et d'autres qui visent à unir les leaders mondiaux pour aborder des enjeux cruciaux pour l'avenir de l'Église.
Concernant la position d’Ecclésia, elle est similaire à celle adoptée face à d'autres sujets sociétaux. Il ne s'agit pas seulement de déterminer si quelque chose est bien ou mal. La Bible nous enseigne le dessein originel de Dieu pour l'humanité, qui trouve son bien-être dans la réalisation de cet objectif divin.
Dans cette crise sur l’identité humaine, plus que jamais, l’Église a non seulement une pertinence, mais une voix salutaire.
Quand on aborde le transhumanisme ou la théorie du genre, la Bible présente une vision originelle du genre humain. En s’éloignant de ce plan originel, l’être humain ne se trouve plus et il se cherche. Loin de Dieu, il est plongé dans une crise existentielle et identitaire perpétuelle. Il est comme un vase brisé, dont on a perdu l’image du modèle, et que chacun tente d’assembler tant bien que mal. En tant qu’église, notre rôle n'est pas de juger, mais d'accompagner avec amour et compassion les vases brisés, en les aidant à se voir à travers un prisme différent, celui de l'intention originelle de Dieu. Nous croyons que le bonheur se trouve dans la réconciliation avec Dieu et son plan originel pour nous.
Cela a toujours existé, mais aujourd’hui, à travers l’agenda woke dans les écoles primaires sur l’identité du genre, nous sommes confrontés non seulement à l’amplification, mais aussi à l'industrialisation de ce phénomène de brisement. C'est un défi majeur, mais l'évangile offre une réponse unique pour rencontrer les gens là où ils sont, indépendamment de leur parcours. Dans cette crise sur l’identité humaine, plus que jamais, l’Église a non seulement une pertinence, mais une voix salutaire. Dans cette dérive idéologique sans précédent, on doit maintenant répondre à la question : qu’est-ce qu’un humain? C’est dans le mode d’emploi de leur créateur que les humains devront trouver la réponse. Ce mode d’emploi, c’est la Bible.
L’actualité internationale et en particulier les évènements dramatiques au Moyen-Orient sont-ils à interpréter à la lumière des récits eschatologiques de la Bible ?
L'interprétation des événements actuels du Moyen-Orient à travers le prisme des écrits eschatologiques de la Bible est une question complexe. Dans la prophétie biblique, la fin des temps a été prédite depuis longtemps, en particulier par le prophète Daniel, environ 650 ans avant Jésus-Christ. Cette période, connue sous le nom de la Grande Tribulation, durerait sept ans et serait marquée par le règne de l'Antéchrist, lequel serait le chef suprême d'un gouvernement mondial. Depuis lors, chaque génération a cru être plus proche de cette fin que la précédente.
Il est vrai que Jésus a enseigné que personne ne connaît le jour ou l'heure de la fin, mais il a également parlé de signes précurseurs. Ces signes, selon lui, seraient aussi discernables que les prédictions météorologiques basées sur l'observation du ciel. Ainsi, bien que l'heure exacte reste inconnue, certains signes pourraient indiquer que nous nous en approchons.
Israël joue un rôle central dans cette eschatologie, étant au cœur des événements de la fin des temps. L'histoire récente, comme la reconstitution de l'État d'Israël en 1948, constituait déjà un prérequis. Dans le schéma prophétique, Israël est au centre d’un conflit mondial. La guerre entre Israël et Hamas résonne assurément avec la prophétie biblique, mais la division du monde en dix royaumes est une condition qui n’est pas encore remplie. Quoi qu’il en soit, pour reprendre les paroles de Jésus, on pourrait dire que le ciel nous donne à croire qu’il pleuvra bientôt !
Cette question au sujet de la fin des temps n’est pas nouvelle. En répondant à ses disciples, Jésus conseille que nous soyons vigilants et préparés, car la fin viendra comme un voleur dans la nuit, à un moment inattendu.
Mais tout juste avant la période de la Grande Tribulation, il est prophétisé qu'il y aura un réveil mondial, une sorte de rechristianisation, où l'Évangile sera prêché dans toutes les langues et à tous les peuples du monde. Ce n'est qu'après cela que le déversement de la colère de Dieu sur le monde, la Grande Tribulation, viendra. Ce sera un temps terrible sans pareil dans l’histoire humaine.
Cette question au sujet de la fin des temps n’est pas nouvelle. En répondant à ses disciples, Jésus conseille que nous soyons vigilants et préparés, car la fin viendra comme un voleur dans la nuit, à un moment inattendu. La bonne nouvelle de l’Évangile constitue la solution de Dieu à ce qui vient. Elle pourrait être résumée en ce que, en mourant sur la croix, Jésus a subi sur lui-même la colère d’un Dieu juste, comme substitut, à la place de celui qui deviendrait son disciple. La Bible dit : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ. » (Romains 8.1).
Ainsi donc, la Bible nous enseigne que, avant le déclenchement du jugement terrible de Dieu contre l’humanité, tous ceux qui, par la foi, se seront tournés vers Jésus seront retirés de cette terre, enlevés, préservés dans sa présence. Cet enlèvement de l’Église, comme il est appelé dans la Bible, sera le dernier accomplissement prophétique avant la fin. Il est donc possible d’être préparé et d’échapper à ce jugement.
Prêcher la bonne nouvelle de l’Évangile de Jésus : voilà encore une des raisons, sinon la plus grande, de l’importance et de la pertinence de l’Église dans ce qui pourrait très bien être la génération de la fin !
Propos recueillis le 7 novembre 2023.
Exposé clair et intéressant qu'il faut lire et relire avec patience , recul et réflexion en tenant compte de son propre parcours de disciple - missionnaire chrétien, engagé durant quelques dizaines d'années dans ce rapport de forces qu'est la vie ici-bas ! La relation à Dieu n'est pas un calcul raisonné aussi honnête soit-il : c'est une Rencontre imprévue , un Partage de Tout et une Relation éternelle.
Il est aussi dit que " la loi naturelle prévaut sur les lois instituées par les hommes " ; Paul d'ailleurs rappelle que ce n'est pas par la loi que l'homme sera sauvé ; à tel point , qu'il est remarquable que même Jésus , dont il n'est pas concevable de constater l'authenticité , a été hors la loi de sa propre religion ; il a toujours fait prévaloir Son Père , le Seul vrai , comme le nôtre , sur sa personne ; Dieu n'est personne , tandis que chaque personne en est l'icône vivante s'il est fidèle à sa nature ; il est dangereux que l'oecuménisme se calque sur un mondialisme nivelant . . .