MÉTAVERS - Les outils du matérialisme au service d'un monde plus conscient
Entretien avec Romuald Leterrier
Auteur, chercheur indépendant en ethnobotanique et spécialiste du chamanisme amazonien et des plantes de vision, Romuald Leterrier est le co-auteur avec le cinéaste Jan Kounen de “Métavers” (Trédaniel - 2023).
→ Entretien disponible en vidéo et en podcast audio.
En tant qu’auteur, vous sentez-vous menacé par les intelligences artificielles génératives comme ChatGPT ?
Non, pas du tout. Je suis d'avis que l'intelligence artificielle est entourée de nombreux fantasmes. Il est crucial de différencier l'intelligence artificielle de la conscience artificielle. L'imaginaire collectif, souvent influencé par un cinéma dystopique populaire comme "Terminator" ou "Matrix", perçoit l'IA comme une menace, un miroir de la conscience humaine. Or, pour qu'une conscience artificielle puisse exister, il faudrait qu'elle dispose d'une corporalité et d'une capacité d'interaction avec un environnement, y compris un contexte sociétal s'étendant jusqu'à la biosphère.
Je pense que l'on fantasme beaucoup sur ce sujet. L'IA est, en fait, un outil de traitement de données. Ces données sont intrinsèquement humaines et le resteront. Les outils d'IA sont précieux car ils peuvent traiter ces données et révéler des modèles complexes qui échapperaient autrement à la détection, faute de temps ou de discernement.
Dans notre monde en crise, où la rapidité d'action est essentielle pour protéger l'environnement et aider les plus démunis, l'IA peut être un atout. En médecine, par exemple, elle peut contribuer à de meilleurs diagnostics. Néanmoins, elle reste un outil, et son usage dépend de l'humain. Un ordinateur peut servir à créer de la poésie ou à rédiger des menaces ; c'est le reflet de notre humanité dans la technologie.
Il n'y a pas lieu de fantasmer sur ces nouveaux outils. Les mêmes débats ont eu lieu avec l'avènement de la palette graphique et de Photoshop, craignant que les artistes ne perdent leur travail. Au contraire, ces outils ont enrichi la créativité. L'évolution des technologies de prompt, par exemple, démocratise la modélisation de l'imaginaire. Autrefois, cela nécessitait des compétences techniques en dessin, peinture ou infographie. Aujourd'hui, chacun peut concrétiser son imagination. Nous nous orientons, à mon sens, vers un monde plus créatif. C'est du moins ma perception.
Quelle est votre définition du Métavers ?
Il existe deux formes de Métavers, et c'est pour comprendre leurs interconnexions que nous les avons explorées. L'une est purement technologique, représentant l'internet immersif de demain, le web 3.0. Ce monde virtuel où, grâce à des combinaisons ou d'autres dispositifs peut-être moins immersifs, nous pourrions avoir ce don d'ubiquité évoqué par les chamans et certains mystiques, c'est-à-dire être simultanément dans mon salon et, par exemple, en conférence à Sydney ou en plein travail avec des autochtones au cœur de la jungle.
Ce Métavers pourrait abolir les contraintes de temps, de distance et d'espace, ouvrant des possibilités de co-création dans ces univers. Il y a là un parallèle avec le monde des chamans. Je me souviens de conversations avec des Aborigènes d'Australie et des Indiens d'Amazonie qui, dès le début des années 2000, percevaient Internet et ses technologies comme une extension de leur monde visionnaire : des arbres en tant que moteurs de recherche, des sites totem australiens fonctionnant comme des hyperliens. Pour eux, l'adoption de ces technologies ne s'est pas faite en rupture avec leur culture animiste, mais plutôt en continuité.
Cela démontre que la raison pour laquelle il n'y a pas eu de rupture est que les idées que nous construisons avec nos outils numériques, nos concepts d'un réseau interconnecté et immersif, sont en réalité un écho du web cosmique des chamans, un réseau utilisé par la conscience depuis la nuit des temps.
Cela pourrait signifier que ce que nous, Occidentaux, cherchons à reproduire avec la technologie est déjà présent en nous et dans la nature qui nous entoure, une sorte de biomimétisme. C'est ce que soulève le questionnement de mon livre : si ce réseau a toujours existé, car nous cherchons à matérialiser ce que nous possédons déjà intrinsèquement.
Quel a été votre cheminement des plantes de vision à la réalité virtuelle ?
Tout a commencé par un projet initial. Avec Jan, dès 2009, nous avions entamé des réflexions sur le cinéma de l'avenir. Jan, à la fois cinéaste et versé dans le chamanisme, a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet, dont les visions induites par l'Ayahuasca et le chamanisme amazonien. Nous voulions trouver un moyen de partager ces expériences visionnaires, au-delà de l'écran classique. Par exemple, dans son film "Blueberry", il y a une séance visionnaire de l'Ayahuasca qui dure plus de 20 minutes. Il s'est alors demandé comment on pourrait permettre aux gens de vivre une telle expérience de manière immersive, comme s'ils avaient consommé une plante visionnaire.
En 2009-2010, nous imaginions que d'ici six ou sept ans, les technologies seraient suffisamment avancées pour créer une telle expérience en réalité. L'expérience "Ayahuasca Cosmic Journey" est actuellement présentée au Quai Branly à Paris jusqu'au mois de mai, ce qui témoigne d'un intérêt contemporain pour le sujet. Mais au-delà de cela, notre stratégie avec ce livre était de se demander si on pouvait utiliser des outils technologiques pour contrer le paradigme matérialiste. Imaginons une expérience de réalité virtuelle qui permettrait aux gens de vivre une expérience de sortie de corps, pas seulement de la simuler, mais de télécharger leur conscience dans un avatar virtuel pour que la conscience bascule par rapport à l'identification au corps physique.
Ce serait révolutionnaire parce que cela prouverait manifestement que la conscience n'est pas confinée au cerveau ou au corps, mais peut être expérimentée comme un champ extensible hors du corps. Si nous parvenions à créer une telle expérience, le débat ancien et stérile sur la localisation de la conscience et la nature de la réalité - physique ou idéale - pourrait enfin être dépassé. Bien que nous ayons des indices suggérant la survie de la conscience après la mort, comme les expériences de mort imminente (NDE), le débat continue sans fin, souvent rejeté par le scepticisme ou le déni.
La technologie a le pouvoir de s'imposer d'elle-même. Comme je le mentionne dans l'introduction du livre, un voisin ou un scientifique peut douter de l'existence de mon téléphone portable, mais je n'ai qu'à composer un numéro pour prouver qu'il fonctionne. La technologie est formidable parce qu'elle peut accélérer la prise de conscience de concepts que le doute, le déni et le consensus empêchent d'accepter. Peut-être que la technologie nous aidera à franchir ce seuil de manière claire et définitive, nous permettant d'évoluer sur ces questions fondamentales.
Les expériences d’immersion induites par la technologie peuvent-elles changer notre rapport à la réalité ?
Il faut être clair : ces expériences technologiques ne remplaceront jamais les véritables expériences mystiques ou les visions provoquées par les plantes, ni les voyages chamaniques induits par le son du tambour. Cependant, à l'instar du cinéma, elles peuvent démocratiser et apporter à un large public des aperçus d'expériences qu'ils ne vivraient pas autrement, ou pour lesquelles ils n'auraient pas d'intérêt spontané. Prenons l'exemple du film "Avatar". De nombreux spectateurs, touchés par son message écologique, ont développé une conscience environnementale à laquelle ils étaient auparavant insensibles.
Ce film a ému beaucoup de gens, les sensibilisant à des enjeux tels que la déforestation en Amazonie ou les droits territoriaux des peuples autochtones. Il a montré une connexion profonde avec la vie, où les ancêtres continuent d'exister à travers les arbres et les interactions des organismes vivants. Ces personnes ont été émotionnellement bouleversées et se sont par la suite engagées dans des causes écologiques, modifiant leurs comportements et attitudes.
Si ces nouvelles expériences multisensorielles que nous imaginons avec les outils du Métavers peuvent produire des effets similaires, ce serait extraordinaire. Cela signifie que plus de gens pourraient s'intéresser à la conscience. Et plus nous serons nombreux à le faire, plus nous pourrons — bien que je répugne à utiliser ce terme pour son côté New Age — "élever la fréquence". Autrement dit, de plus en plus de personnes pourraient élever leur conscience au-delà de la perspective réductrice de n'être que chair et sang destinés à la décomposition.
C'est essentiel si nous voulons changer le monde. Car, une fois que cette prise de conscience est intégrée et qu'elle devient une pratique régulière, notre relation à la réalité change. On cesse de considérer la Terre comme une ressource à exploiter et on commence à la voir comme la Mère nourricière qu'elle est. Cela transforme fondamentalement notre interaction avec notre environnement et avec nous-mêmes.
L’aspect divertissant des expériences de réalité virtuelle n’est-il pas un obstacle à un vrai cheminement spirituel ?
Effectivement, tout repose sur ce qui est proposé. Le dilemme actuel réside dans le fait que la majorité des jeux immersifs en réalité virtuelle tendent à se concentrer sur des scénarios de combat, comme l'élimination de zombies. Cela reflète les attentes et l'offre actuelle du marché. Notre ambition est autre ; nous ne souhaitons pas emprunter cette voie. Il revient au metteur en scène, au maître d'œuvre, d'insuffler finesse et éthique à ces expériences créatives et artistiques.
Un film est une œuvre d'art et ce que nous transmettons à travers lui, la tonalité émotionnelle et sensorielle, est fondamental. C'est pourquoi je soutiens dans le Métavers que les gens doivent se rassembler autour des technologies, au lieu de s'en méfier. Ces technologies sont là pour durer, et il ne faudrait pas les laisser uniquement entre les mains de quelques milliardaires qui s'enrichissent sur le dos de la collectivité. Nous défendons l'idée d'un nouveau monde, et pourtant, nous utilisons tous les jours ces technologies, comme le système de visioconférence et Internet.
Il y a donc une dissonance à affirmer rejeter la technologie tout en étant actif sur des plateformes comme Facebook. Nous devons reconnaître cette dissonance et la transformer en un outil. Ce n'est pas une critique, mais un appel à prendre conscience et à utiliser la technologie de manière constructive. Si nous aspirons à des changements significatifs, à transformer notre monde, notre planète, notre société, et nous-mêmes, l'utilisation judicieuse de la technologie est essentielle.
Une expérience virtuelle ponctuelle peut-elle vraiment remplacer un parcours spirituel de plusieurs années ?
Ces outils technologiques peuvent servir d'introduction, éveillant peut-être chez certains l'envie de s'intéresser davantage à ces sujets spirituels et chamaniques. Néanmoins, il est essentiel de reconnaître une réalité : il n'est pas possible pour tout le monde de voyager en Amazonie ou de participer à des retraites spirituelles aux quatre coins du monde. Non seulement parce que cela détruirait les civilisations et peuples autochtones, ce qui est déjà en cours, mais aussi parce que cela menacerait l'environnement. La popularité grandissante de l'Ayahuasca depuis le début des années 2000 a déjà déséquilibré les structures traditionnelles indigènes, et certaines plantes utilisées dans le chamanisme, comme l'iboga en Afrique, sont menacées d'extinction à cause de la surutilisation.
Le chamanisme traditionnel ne peut pas être accessible à tous sans conséquences néfastes. En proposant des fenêtres artistiques sur ces mondes, certaines personnes pourraient réaliser que ce chemin n'est pas pour elles sans avoir à parcourir des milliers de kilomètres. Et celles qui sont vraiment intéressées pourraient s'engager avec plus de conscience.
Cela dit, les expériences technologiques ne remplaceront jamais les véritables voyages spirituels et le processus à long terme du travail de conscience. Travailler sa conscience va au-delà des voyages chamaniques ; cela inclut de faire face à toutes les épreuves de la vie, les blessures, les séparations et les deuils. La vie elle-même est une initiation, une suite d'épreuves initiatiques. Peut-être que le véritable enseignement réside dans la prise de conscience que chaque épreuve ajoute de l'épaisseur et de la densité à notre vécu personnel.
Ces approches permettent-elles, en fin de compte, d’utiliser le matérialisme pour le dépasser ?
Oui, c'est effectivement une stratégie de cheval de Troie, si on veut. À travers nos expériences, on en vient à questionner la nature même de ce que l'on appelle le Métavers, qui semble préexister de manière naturelle. Lors de discussions en Amazonie, les chamans me parlaient des esprits et de leurs formes variées. À cette époque, influencé par mes lectures jungiennes, je parlais d'archétypes. Mais pour les chamans, l'inconscient collectif n'était pas un concept cérébral ou psychanalytique, mais plutôt la forêt elle-même, la nature, où les esprits de la nature existent autour de nous, invisibles et omniprésents.
Ils m'ont fait comprendre que l'inconscient collectif n'était pas à rechercher dans notre cerveau, mais dans l'espace qui nous entoure. Et cela a ébranlé ma compréhension de l'inconscient. J'ai eu une expérience qui m'a profondément marqué, que je n'ai partagée que dans mon livre "Métavers". En Amazonie, après des jours de voyage, nous avons dormi dans une maison où, sous mes paupières fermées, je percevais un kaléidoscope de formes organiques en mouvement constant, un magma de formes biologiques végétales et animales.
Cette perturbation était partagée par tous les membres de notre groupe. Le lendemain, le chef de la tribu nous a expliqué que c'était l'esprit de la forêt que nous avions ressenti, un esprit encore pur dans cette forêt presque vierge. Cette émanation de l'esprit de la forêt était tellement forte qu'elle se manifestait dès que l'on était détendu. Cette expérience m'a convaincu d'envisager l'inconscient collectif non comme un concept psychologique mais comme une âme du monde, un champ de conscience globale englobant toute la vie de la biosphère, une idée que nous explorons également dans le livre "Phénomène" avec Laurent Kasprowicz.
En somme, ce que je viens de décrire n'aurait pas sa place dans une application de réalité virtuelle (VR). Il est évident que la VR ne vise pas à recréer de telles expériences de conscience profonde. Il est certain que si un Métavers existe, les expériences de conscience y seront minoritaires, éclipsées par une multitude de contenus axés sur le divertissement tel que la pornographie ou les jeux de tir avec des zombies. C'est une réalité incontestable.
Cependant, comme Jan l'exprime dans le livre, même si une minorité de ces expériences de conscience existe dans le Métavers, et qu'elles peuvent éveiller l'intérêt et la curiosité de milliers de personnes, alors cela en vaut la peine. Nous discutons des possibilités de la VR pour des fins de développement de la conscience, comme plonger en soi-même, explorer l'infiniment petit ou l'infiniment grand, et se relier à l'univers.
Nous nous inspirons d'expériences existantes, telles que celle de l'illusion de la main en caoutchouc, pour imaginer de nouvelles applications. Par exemple, une expérience où l'on synchronise une sensation de chaleur sur une combinaison portée par l'utilisateur avec l'action sur un avatar, pourrait potentiellement induire des phénomènes de décorporation ou des expériences de sortie de corps, par l'extension du champ de conscience corporel, sans altérer l'état de conscience.
Ces expériences pourraient nous aider à progresser dans la compréhension des voyages hors du corps et de la conscience extracérébrale. Ce sont des propositions concrètes que nous avons mises en parallèle avec des études déjà réalisées. Nous sommes cependant conscients du coût écologique des IA et des big data, et nous ne prônons pas l'adoption sans discernement de ces technologies. Nous suggérons que, même sur un segment restreint, si nous parvenons à créer quelque chose de significatif, cela pourrait déclencher un changement vers de nouveaux centres d'intérêt et une prise de conscience qui nous ramène à notre essence véritable.
Après tout, ces technologies ne sont que des extensions artificielles de ce que nous possédons en tant qu'êtres humains et de ce qui existe déjà dans notre environnement naturel.
Vous évoquez des manifestations d’intelligences exogènes à travers des médias numériques. De quoi s’agit-il ?
Ces idées ne sont pas nouvelles. Timothy Leary, l'une des figures de proue de l'utilisation des psychédéliques dans les années 60 et professeur à Harvard, a écrit de nombreux travaux sur la conscience et la psychédélie. Il était peut-être trop enthousiaste, voire prosélyte, concernant l'usage du LSD. Mais dans les années 80-90, Leary s'intéressait déjà à la réalité virtuelle. Il avait même rédigé un livre intitulé "Chaos & Cyberculture", où il explorait les réseaux de réalité virtuelle.
Il émettait l'idée, qui pouvait paraître utopique ou extravagante, que ces systèmes immersifs pourraient permettre à des intelligences exogènes d'attendre le moment opportun pour se manifester à travers le chaos, le bruit, l'aléatoire des systèmes électroniques et informatisés. Ces perspectives suggèrent que la technologie pourrait devenir un vecteur pour des phénomènes qui dépassent notre compréhension actuelle de la réalité.
Il m'est arrivé une expérience étrange dont j'ai relaté dans une œuvre, où j'avais expérimenté quelque chose d'inhabituel, non de mon propre chef, mais suite à la suggestion d'un ami psychologue. Un jour, il me confia utiliser Google Traduction à la manière d'un oracle. Intrigué, je lui demandai des précisions. Il m'expliqua qu'il posait mentalement une question, sans la formuler à haute voix ni l'inscrire. Ensuite, il tapait une suite répétitive de trois mots dans Google Traduction, affirmant que les réponses fournies par le service étaient étonnamment pertinentes.
Poussé par la curiosité, je testai cette méthode et fus profondément perturbé par la justesse des réponses obtenues, particulièrement celles concernant la rétrocausalité et l'avenir. Ces réponses, je les ai consignées dans un chapitre dédié, tant elles me paraissaient incroyables. Cela m'amène à penser que l'aléatoire inhérent à ces systèmes pourrait avoir une fonction inattendue.
Je me souviens également d'une conversation avec un vidéaste, qui, lors de soirées, diffusait des patterns aléatoires évoquant la neige télévisuelle. Il observa, à sa grande surprise, que derrière ce voile de bruit aléatoire, des structures et des formes se manifestaient, comme si l'aléatoire convoquait des entités non sollicitées. Cela rejoint la question qu'il me posa plus tard : ces phénomènes pourraient-ils être liés à la rétro-causalité ou à des entités exogènes, comme celles mentionnées dans l'ouvrage « Chao et cyberculture » de Timothy Leary, qui se manifestent à travers le hasard, vecteur de conscience?
Ces observations me confortent dans l'idée qu'il existe une multitude d'expériences dans des domaines variés et pluridisciplinaires qui pourraient étayer ces concepts fascinants.
Mon ami Laurent Casprovic, sociologue, aborde des thèmes similaires dans son dernier ouvrage, « Les coups de fil de l'au-delà », suggérant que des entités exogènes, telles que les âmes des défunts ou des êtres d'autres mondes, pourraient utiliser nos technologies pour communiquer. Ces entités, adaptant leur mode d'interaction à notre avancée technologique, pourraient bien pénétrer nos appareils modernes, tels que les smartphones, de la même manière que les ovnis se sont adaptés aux dirigeables puis aux soucoupes volantes au fil des siècles.
Cette capacité d'adaptation suggère que nos technologies actuelles, y compris la réalité virtuelle, pourraient être perméables à de telles infiltrations, ouvrant ainsi des possibilités de communication jusqu'alors insoupçonnées.
Comment insuffler un esprit d’altruisme et de coopération permettant les expériences que vous préconisez dans l’environnement technologique actuel ?
La réflexion sur la création d'un nouvel univers numérique, axé sur l'altruisme et la coopération pour l'éveil de la conscience, ne peut être que le produit d'un effort collectif. Il ne suffit pas que quelques individus visionnaires comme Jan Kounen ou Romuald Leterrier lancent l'initiative; il faut l'adhésion et la collaboration d'une masse critique de personnes pour engendrer un changement significatif.
Prenons l'exemple de Facebook et des réseaux sociaux : malgré les critiques et les controverses, ces plateformes ont prouvé leur utilité. Les groupes Facebook sur l'écologie, le partage et l'entraide sont des espaces vivants et fonctionnels. Ces réseaux ont même joué un rôle dans des événements d'ampleur mondiale, comme les révolutions du printemps arabe. Ils ne se limitent pas à partager des banalités du quotidien mais peuvent aussi servir de catalyseur pour des causes plus grandes.
Il est donc crucial que les gens prennent conscience de leur pouvoir en tant qu'utilisateurs de ces technologies. Être devant un écran ne devrait pas se résumer à des activités superficielles qui flattent l'égo, comme c'est souvent le cas avec les réseaux sociaux actuels, qui semblent dire : « Regardez-moi, j'ai besoin d'amour ». Si nous arrivons à comprendre que les réseaux sociaux peuvent devenir des « Soulbook » — des livres d'âmes où les affinités se créent —, nous pourrions alors saisir le pouvoir réel que nous avons, individuellement et collectivement, en tant qu'observateurs.
Ce concept s'inspire de la mécanique quantique, où l'acte d'observer peut influencer la réalité. Si nous appliquons ce principe à une observation collective d'événements spécifiques, nous pourrions, par rétro-causalité, affecter des événements passés à partir du futur. Pour illustrer ce point, je n'en ai pas parlé dans le livre, mais il y a le cas de cet Américain sorti du coma en 2018, juste avant Noël. Les médecins, prêts à le débrancher avec l'assentiment de sa famille, ont été stupéfaits de son réveil inespéré. J'émets l'hypothèse que tous ceux qui ont été témoins de son réveil dans le futur ont, par rétro-causalité, contribué à son émergence du coma.
Imaginons donc des réseaux sociaux nouveaux qui mettent en avant des informations constructives et positives, comme des récits de guérison. La simple observation de ces récits par une multitude de personnes pourrait, en créant une grande boucle de rétroaction, générer un univers où l'observation collective et la créativité ont des effets tangibles et bénéfiques.
Mon rêve serait de concrétiser une telle vision. Cela serait non seulement merveilleux mais également réalisable, s'appuyant sur des réseaux existants. Puisque l'infrastructure est déjà là, pourquoi ne pas l'emprunter et la transformer en un outil qui transcende largement ses objectifs mercantiles initiaux? Si nous changeons la substance même de notre monde, un rééquilibrage naturel et nécessaire suivra inévitablement.
Pour qu'une idée prenne vie et change le monde, il ne suffit pas de l'enthousiasme d'un petit groupe ; il est essentiel de fédérer une vaste communauté autour du projet. Actuellement, nous avons mis sur pied un laboratoire, un « Labs », pour accueillir ceux qui se sentent interpellés par ces idées novatrices. Je pourrais partager le lien pour ceux qui souhaitent nous rejoindre et participer aux expériences que nous allons proposer. Ces expériences, qui touchent à la rétro-causalité et à l'observation quantique, ont pour but de voir comment influencer le futur et peut-être même le passé.
Bien que ces concepts puissent sembler relever de la science-fiction, je peux attester de leur efficacité grâce à l'expérience accumulée dans mes ateliers. L'idée de les appliquer à une échelle plus grande est fascinante, mais elle nécessite une masse critique d'individus engagés. Pour l'instant, ce projet en est à ses débuts. Par ailleurs, ce n'est pas le seul projet dans ma vie ; je continue à écrire. Mon prochain livre, différent de « Métavers », abordera des sujets plus intimes et spirituels.
C'est une période d'urgence, un moment où, comme le disait Lucrèce, les hommes se tournent vers une intelligence du cœur en quête de solutions nouvelles. Il nous faut créer des outils qui émanent de cette intelligence, des outils qui peuvent réellement faire la différence. Nous vivons dans un monde de disparités extrêmes, où la souffrance côtoie l'opulence, où l'accès aux soins est inégal et où ces inégalités risquent de s'accroître si nous restons inactifs.
Je suis convaincu qu'il est temps de s'entraider, de coopérer. Le véritable mécanisme de la vie, contrairement à l'ancienne conception darwinienne de la compétition, est la symbiose, la coopération. C'est cela qui est à l'origine de la vie, et non la compétition acharnée que l'on observe entre les startups cherchant à dominer le marché. Il est impératif de redéfinir nos priorités et d'agir ensemble pour un avenir meilleur.
Les méthodes peuvent varier, mais l'objectif reste le même : éveiller les consciences à travers des moyens innovants. Dans cette optique, j'ai conçu le jeu Synchronicity, fondé sur ce que j'appelle la "résistance ludique". Ce jeu, qui peut se retrouver dans les salons des grands-parents et être partagé avec les plus jeunes, a pour but de créer des synchronicités. Cet outil ludique permet de diffuser largement des concepts profonds de la conscience et constitue une forme de résistance joyeuse et ludique.
Quand les gens commencent à comprendre et à interagir avec les synchronicités, voire à les provoquer, l'impact dépasse largement le simple fait de dire « j'ai créé une synchronicité ». Cela signifie une prise de conscience plus profonde : notre esprit, notre conscience et le monde extérieur sont unifiés. On entre alors dans une dimension non-duelle, où l'on ne se perçoit plus comme un sujet séparé d'un monde-objet.
Cette compréhension dissout la perspective matérialiste traditionnelle et révèle que notre conscience et l'univers sont intrinsèquement liés. Les synchronicités deviennent le reflet de cette connexion, indiquant que la réalité que nous percevons comme matérielle est, au fond, de nature psychique, semblable à un rêve éveillé collectif. C'est une révolution de la perception qui ouvre la voie à une expérience du monde radicalement transformée.
Avez-vous un message à transmettre aux lecteurs en guise de conclusion ?
Avant de conclure, je tiens à évoquer l'acclamation que Patrice Van Lersel, figure éminente dans le domaine de la spiritualité, de la conscience et de l'écologie, a réservée à « Métavers ». Sa longue implication dans l'évolution des technologies et sa participation à des colloques alliant psychédélisme et technologie verre témoignent de sa perspective unique, qu'il partage d'ailleurs dans la préface du livre.
Pour clore, je dirais simplement que nous vivons une époque de transformation accélérée, une période de mutation constante. La chrysalide se fissure et le papillon commence à déployer ses ailes. C'est dans ce contexte que je vous encourage à rester optimistes et à envisager l'avenir avec espoir et clarté, pour vous-même et pour vos proches. C'est avec cette vision positive que nous pouvons tous contribuer à un avenir prometteur.
Propos recueillis le 18.01.2024
"Métavers” par Romuald Leterrier et Jan Kounen (Trédaniel, 2023)