Créateurs du Nouveau Monde - Un mouvement citoyen organique
Entretien avec Linda Légaré et Bernard Royer
Linda Légaré et Bernard Royer sont les initiateurs des Créateurs du Nouveau Monde, un mouvement citoyen organique humaniste et solidaire proposant de nombreuses activités en présence à Sainte-Adèle au Québec. Mouvement dont la mission s’inscrit dans la vision dynamique d’une conscience élargie du vivant, de la place de l’homme dans l’univers et de sa souveraineté individuelle.
Quel a été votre déclencheur pour le lancement des Créateurs du Nouveau Monde ?
Linda Légaré : Nous avons toujours été de grands rassembleurs, une passion qui nous vient de l'époque de la Belle-Verte, notre vaste demeure. Là-bas, nous avons accueilli des chamans, des moines tibétains et des guérisseurs philippins. Ces 14 dernières années, nos événements ont attiré des centaines, voire des milliers de personnes. Avec la crise récente de la pseudo-pandémie, Bernard et moi avons ressenti une dissonance immédiate. Nous avons pris le pouls de nos nombreux amis, écoutant leurs sentiments de colère et d'impuissance.
En tant que psychothérapeute, mon instinct est de prendre soin des autres. Nous avons donc décidé de former un petit groupe pour des discussions. Nous avons partagé des larmes et des inquiétudes, ce qui a mené à une prise de conscience collective. Face à l'influence du 1%, nous, le 99%, avons choisi d'agir. J'ai une propension naturelle à lancer des initiatives, tandis que Bernard structure nos efforts. Nous croyons fermement que nous sommes les créateurs de nos vies, une conviction que nous partageons quotidiennement.
Vers la fin de l'année, j'ai proposé à Bernard de convier nos amis et notre famille à se joindre à nous, sans organisation formelle, pour le 8 janvier 2023. L'événement a dépassé toutes les attentes avec 230 participants.
Bernard Royer : Oui, la clé du succès est de rendre les rencontres accessibles. Au Québec, les gens avaient l'habitude de se retrouver facilement, comme sur le parvis de l'église. Nous organisons nos événements dans un lieu symbolique, une ancienne église, ce qui renforce la régularité et la reconnaissance sociale. Le premier dimanche de chaque mois, les gens se rassemblent sans nécessité de connaissances préalables. Nous offrons une scène aux individus pour partager leurs contributions au monde, que ce soient des services, des produits ou des projets de grande envergure. Depuis notre première rencontre, il était évident que les gens désiraient se connecter et partager. Cette dynamique organique a façonné notre approche et nous a permis d'évoluer avec une formule claire et régulière. Nous avons adapté nos activités selon la demande, en introduisant un salon des créateurs pour offrir plus d'espace et de temps aux intervenants.
Quelles activités organisez-vous ?
Linda Légaré : D'une manière organique, je suis à l'écoute des tendances et des demandes des gens. Lorsqu'ils expriment de l'émerveillement et de l'encouragement, je le prends comme un signe positif. Comme dans la permaculture, où on observe les besoins de la terre, j'écoute et je reste ouverte sans avoir une vision fixe ou un chemin déterminé à suivre. Les idées viennent souvent des autres : "Pourrais-tu organiser ceci ? On aimerait faire cela." Par exemple, la venue de Lucie Mandeville le 4 juin s'est synchronisée avec notre grand rassemblement, ce qui a donné naissance à un nouvel événement très apprécié. Les demandes sont variées, des gens souhaitent rencontrer Jean-François Denis de chez Théovox, par exemple. Les entrevues ont commencé, non pas comme un plan, mais comme une réponse organique aux besoins exprimés.
Nous pensions être à la retraite, mais il semble que d'autres plans nous attendaient. Dieu plaisante parfois, et ses desseins sont différents des nôtres. Ainsi, au lieu de rester tranquilles et discrets, nous nous retrouvons à servir les besoins de la communauté. Nous n'avons pas d'agenda fixe ; nous suivons le mouvement. J'ai toujours de nouvelles idées, et Bernard est doué pour structurer ces impulsions. Les bénévoles aussi apportent leur vibrato, créant des connexions spontanées. Nous avons accueilli des musiciens, des prières autochtones, et même des historiens comme Marco Wingender.
En tant que facilitateurs, nous créons des liens et laissons les choses se connecter naturellement. Si je détecte une tendance vers le jardinage, la spiritualité ou la culture autochtone, par exemple, j'agis en conséquence. Quand j'ai moi-même l'élan de rencontrer quelqu'un, j'invite cette personne.
Bernard Royer : La formule des rencontres-causeries a évolué pour devenir la deuxième partie de nos grands rassemblements, une modification qui s'est naturellement imposée. Nous avons aussi des ambassadeurs sur le terrain qui nous alertent sur divers sujets. Nous avons réalisé qu'il était essentiel d'offrir une plateforme à ces personnes qui ont pris des risques pendant la crise, pour les faire connaître en tant qu'humains. Il est important de comprendre qui ils sont, ce qui les a motivés à se lever et à prendre position. Les rencontres-causeries mettent en lumière ces individus, soulignant leurs actions. De la même manière, les présentations des orateurs en trois minutes visent à promouvoir leurs contributions au monde. Nous les soutenons en annonçant leurs initiatives, permettant ainsi à la communauté de les supporter énergétiquement. Cela vaut aussi pour ceux qui ont déjà une grande audience en ligne mais qui ne sont pas connus personnellement. En tant que Créateurs du Nouveau Monde, nous cherchons à révéler leur humanité. C'est notre rôle dans ces rencontres bien pensées.
Qui sont les participants à ces activités ?
Linda Légaré : Bernard et moi avons constaté depuis trente ans que nous attirons une variété de personnes. Certains sont des habitués, tandis que d'autres, comme ce monsieur qui semblait découvrir un monde nouveau plein de joie et de connexions, viennent pour la première fois. Nous avons des participants de partout, certains parcourent même deux heures de route pour nous rejoindre. L'attrait réside dans ce qu'ils peuvent trouver chez nous, un sentiment de communauté et de découverte.
Un exemple concret est celui d'un père dont la fille joue avec la mienne. En conversant, nous avons découvert qu'il était dessinateur de plans. Nous avons eu besoin de ses services et lorsqu'il a découvert notre communauté, il a été soulagé que cela existe. Nous avons des gens de la Mauricie, de Drummondville, de Mont-Tremblant et de Montréal. Ils viennent parce qu'ils sentent qu'il y a quelque chose à chercher chez nous, un émerveillement, un art de vivre.
Bernard Royer : Le profil des participants semble suivre le principe que les semblables s'attirent. Ils viennent souvent par le biais d'amis communs et se ressemblent par leur vibration. Ceux qui étaient peut-être en dehors de ces cercles découvrent notre existence et sont éclairés, comme s'ils trouvaient une lumière au bout du tunnel. Ils entrent en contact avec de nouveaux potentiels qui leur offrent un sentiment de liberté et de confiance dans les possibilités de transformation. Nous attirons des personnes ouvertes à la recherche d'un meilleur, et nous offrons un espace d'espoir et de correspondance à leurs besoins.
Un intervenant a même décrit notre communauté comme un "hub", un point de convergence et de connexion. Les nouveaux arrivants sont souvent étonnés et révèlent que notre renommée s'étend. Au début, nos activités étaient connues dans les Laurentides, notamment à Val-David, mais aujourd'hui notre rayonnement s'est élargi. Ces nouveaux arrivants découvrent un mode de vie qu'ils n'avaient jamais envisagé, enrichi par les collaborations qui attirent encore plus de monde. Notre objectif est que le plus grand nombre de personnes possible sache que nous sommes là, qu'il y a des ressources et de belles choses en création auxquelles ils peuvent participer.
Linda Légaré : Les gens qui nous rejoignent sont souvent à la recherche de communauté. Nous n'allons pas souvent aux grands événements, nous préférons soutenir la culture et les artisans locaux. Mais on nous dit souvent, "On a entendu parler de vous." Notre influence s'étend bien au-delà de notre communauté immédiate. Notre but est que les gens des Laurentides et d'ailleurs sachent qu'ils ne seront jamais seuls, qu'ils trouveront toujours de nouveaux amis et une communauté de soutien tout près de chez eux.
Bernard Royer : Un aspect crucial des Créateurs du Nouveau Monde est que depuis le début, Linda et moi ne voulions pas être les seuls visages du mouvement. Nous animons et structurons, mais nous voulons que les gens comprennent que c'est un mouvement collectif, et en fait, tout le monde en fait partie, même s'ils ne le savent pas encore. Ceux qui sont dans la salle sont déjà des créateurs du Nouveau Monde, façonnant de nouveaux modèles sociaux.
Nous ne savons pas à quoi ressemblera exactement le nouveau monde, mais nous espérons qu'il sera différent de l'ancien.
Linda Légaré : Je n'ai pas de vision du nouveau monde car je le vis tous les jours. Je suis immergée dans ma propre culture, nous avons eu des poules, et cela fait 20 ans que je n'ai pas mis les pieds dans un centre commercial. Je privilégie la revalorisation et le recyclage. Pour moi, vivre dans la gratitude quotidienne est ma façon de créer et d'inspirer les autres à se détacher de la surconsommation et des fêtes commerciales. Nous vivons dans l'abondance que la nature et la vie nous offrent. Je ne fais pas de vœux pour l'avenir, car je suis consciente que je crée ma vie à chaque instant. Ma vie est une présence constante et une gratitude pour les choses simples et naturelles.
Bernard Royer : Nous avons souvent fait des demandes par manque, mais être dans la gratitude pour ce qui est déjà là est probablement le moyen le plus puissant de créer. Cette gratitude multiplie ce pour quoi nous sommes reconnaissants. En tant que Créateurs du Nouveau Monde, nous croyons que le monde changera à mesure que la gratitude des êtres humains se multiplie. Chaque individu peut jouer un rôle formidable en étant reconnaissant pour quelque chose et en observant son épanouissement dans sa vie. C'est une voie simple, guidée par le cœur et non par l'esprit.
Quels enseignements tirez-vous de cette première année ?
Linda Légaré : Eh bien, le bilan est que j'ai suivi une impulsion et que cela s'est avéré être la bonne décision. Comme je l'ai mentionné, c'est Bernard qui donne une structure à tout cela. Et c'est cela, notre réalisation : ce n'est pas si compliqué de réaliser ses rêves, d'aspirer à un nouveau monde ou de démarrer une petite entreprise. Quand j'étais plus jeune, on me demandait souvent comment je faisais pour lancer mes projets. C'est simple, ça commence avec un numéro d'enregistrement qui coûte 35 dollars, et parfois, on n'a même pas besoin de cela. Il ne faut pas attendre les permissions ou les subventions. On agit, et on s'ajuste si nécessaire.
Comme je le dis souvent, la différence entre un rêve et un projet, c'est une date de début. On peut commencer dès maintenant.
La vie décide de ce qui va arriver. Tant qu'il y a des gens qui répondent à l'appel, nous sommes là, prêts et accueillants, ouverts aux nouvelles idées et au mouvement. Ce n'est pas rigide, ça évolue vers des directions inattendues. Nous n'avions jamais envisagé d'accueillir des lanceurs d'alerte ou de faire des concerts, mais la demande est là et on s'adapte. Par exemple, Lucie Mandeville veut organiser un potluck, mais cela ne correspond pas à notre format. On propose ce qui est gérable pour un plus grand groupe. Ainsi, nous sommes devenus plus compétents et expérimentés, plus à même de servir les demandes, même les plus originales. Bernard pose la question : "Est-ce que cela apporte quelque chose de nouveau au monde ?" Si c'est juste une répétition, ce n'est pas pour nous.
Je ne suis pas non plus une groupie. Mes héros sont les gens ordinaires qui travaillent dur, les enfants résilients. Ce sont eux que je veux mettre en avant. Comme les bénévoles de Val-Morin, qui distribuent de la nourriture sans être payés. Ces gens sont mes idoles. Attirer des célébrités n'est pas notre but, mais de mettre en lumière ceux qui contribuent réellement à la société. Par exemple, nous n'avions jamais prévu de musique lors de nos événements, mais c'est arrivé suite à une demande et nous nous sommes adaptés. Ainsi, être au service et répondre aux besoins du mouvement de création du nouveau monde est notre joie.
Bernard Royer : Je continuerai sur ce bilan. Le succès que nous voyons est le témoignage du besoin des gens de se rencontrer au-delà des apparences. C'est important de savoir ce qui se passe, mais les gens ont besoin de se voir, de se réunir. Pour moi, cela confirme le besoin de continuer à rassembler les gens, de les informer, de leur permettre de partager et de rentrer chez eux avec de nouvelles informations qui les aident à faire des choix éclairés ou à renforcer ceux déjà faits. Et surtout, de trouver de nouveaux amis, car nous pouvons nous sentir seuls dans notre voyage. Ainsi, le bilan montre la nécessité de ces rencontres physiques, qui sont rassurantes et nécessaires. Bien que notre salle ait ses limites, nous cherchons toujours à étendre notre portée et à permettre à plus de gens de s'associer à ce mouvement.
Quels sont vos projets pour 2024 ?
Linda Légaré : Notre calendrier est plein, avec des invités prévus jusqu'à mars, voire avril. Nous avons déjà des demandes pour la suite. Nous démarrons avec Robert Béliveau, puis suivent Lucie Mandeville, François Amalega, et d'autres encore. Nous recevons des demandes pour des conférences, une nouveauté pour nous. Par exemple, Marc-Alain Lavoie, un vulgarisateur scientifique, a reçu une ovation lors de sa présentation. Après nous avoir contacté, il a exprimé le désir de faire une conférence sous notre égide, reconnaissant ainsi notre capacité d'accueil et notre système d'inscription bien rodé.
Le Salon des créateurs est également très apprécié et demandé. Nous avons choisi de ne pas faire concurrence aux salons d'artisans locaux, mais nous organiserons le nôtre en mai, en nous concentrant sur l'éco-construction et les communautés écologiques, des thèmes généralement absents dans les autres salons. Nous sommes prêts à soutenir ceux qui ont du contenu substantiel à offrir lors de conférences. Marc-Alain Lavoie, par exemple, a déjà attiré un grand nombre de participants pour sa prochaine conférence avec seulement deux semaines de préavis.
Nous sommes heureux de servir de plateforme pour ceux qui veulent partager des idées et des innovations dans le domaine de l'énergie libre et d'autres domaines qui méritent d'être mis en lumière.
Propos recueillis le 14 décembre 2023
Site internet Créateurs du Nouveau Monde