"Tous résistants dans l'âme", la permaculture humaine en action
Entretien avec Stéphane Chatry
Stéphane Chatry est permaculteur, réalisateur du film "Tous résistants dans l’âme” et co-auteur avec Louis Fouché du livre éponyme.
Stéphane est également vidéaste, initiateur de la chaîne YouTube ethiqueTV.fr, de l’association Artivism Contemporary Art et du groupement Nature LT.
Son dernier ouvrage "L'esprit permaculture - 100 fiches pratiques pour passer à l'action" paru aux éditions Tredaniel en mai 2023.
Le film "Tous résistants dans l’âme” est sorti en salle en novembre 2022. Quels ont été l’accueil et la fréquentation du public ?
Nous avons rejoint 18,542 spectateurs à l’occasion de 151 projections et 115 débats dans 105 cinémas. Les intervenants du film ont pu aller à la rencontre du public et cela a été l’occasion de nombreuses mises en lien d’acteurs et d’associations locales.
Quels ont été les principaux défis pour cette production indépendante financée en mode participatif ?
Le film tourné en pleine crise de la Covid est sorti durant une période difficile et nous avions de nombreuses inquiétudes quant au mode de financement participatif. Notre objectif était de recueillir 90,000€ et finalement nous avons recueilli 120,000€.
La distribution était également un défi pour notre distributeur indépendant Exuvie, limité dans sa capacité à rejoindre les plus de mille cinémas français. Finalement les collectifs et les associations se sont approprié le film et sont allés directement voir leurs cinémas locaux pour demander une projection.
Ce fut un tournage tout terrain et exigeant
Le tournage a eu lieu au mois de septembre avec de nombreuses scènes extérieures. Nous avons eu beaucoup de chance avec la météo comme pour la scène finale où 120 personnes sont venues des quatre coins de France bénévolement. A Banyuls-sur-Mer, près de Perpignan, en haut d'une falaise donnant sur la Méditerranée, la journée du tournage a été ensoleillée entre deux journées de pluie.
Ce fut un tournage tout terrain et exigeant pour notre directrice de la photographie Anaïs de Souza, qui avec son assistant et son ingénieur du son, s'est retrouvée face au réalisateur que je suis, qui est dans l'improvisation et le ressenti, sans vraiment de carnet de bord. Il s’agissait de laisser faire les choses naturellement. Pour un film qui a trait de la nature, c'était logique. Il n'y avait pas de scènes jouées ou surjouées.
Les rencontres à l’occasion des projections ont-elles engendré des projets ?
Le film a permis la mise en lien des acteurs, mais il est aussi une invitation à passer à l’action.
Afin de poursuivre cette mise en lien, nous avons lancé un nouveau projet d’annuaire « Tous résistants dans l’âme » des acteurs du naturel en France et en Belgique.
Afin de poursuivre cette mise en lien, nous avons lancé un nouveau projet d’annuaire « Tous résistants dans l’âme » des acteurs du naturel en France et en Belgique.
Un financement participatif a été lancé afin de collecter 8,500€ qui vont nous permettre de développer un moteur de recherche avec une carte interactive et de rémunérer l'administrateur de l’application pendant un an. Le but est d’avoir un annuaire interactif reprenant les catégories du film (production et transformation alimentaire, monnaie locale, santé naturelle, construction écologique, stage, formation, etc.). Chaque intervenant devra faire une vidéo d’une minute face caméra pour expliquer ce qu'il fait, depuis quand et parler de ses inspirations et motivations.
Nous avons recueilli 20% du budget de l’opération de financement qui se termine le 30 novembre.
L’annuaire sera accessible à partir du site du film et son utilisation sera gratuite pour tout le monde. Ce projet s’inscrit totalement dans la dynamique du film c'est-à-dire cette volonté de passer à l'action en naturel et en local.
La notion de permaculture occupe une place importante dans le film ainsi que dans vos autres activités. Est-elle une alternative envisageable pour répondre aux enjeux alimentaires actuels ?
Je fais de la permaculture justement pour répondre à cette question et j'en suis persuadé.
Il y a 6 ans, avec mon association Artivism j'organisais des expositions avec des artistes plasticiens, des peintres, des sculpteurs, des dessinateurs, sur les thèmes des sujets sociétaux. A cette occasion j'ai rencontré le fils de Daniel Balavoine, Jeremy Balavoine, qui m'a dit : « c'est super ce que vous faites, mais vous questionnez. Et aujourd'hui, l'important c'est de passer à l'action. »
Reprendre nos libertés commence par notre autonomie.
Par la suite j'ai consacré la majorité de mon temps à l'action et réduis mon temps de questionnements. J'ai pris ma caméra et suis allé filmer des gens qui sont dans l'action, dans la production alimentaire, dans la production énergétique, dans toutes les choses qui pour moi sont nobles et qui sont d'avenir.
Connaissant mon approche contestataire du système, une amie m’a dit qu’un des actes les plus radicaux pour faire changer le monde, c'est de faire pousser sa nourriture. Je trouvais ça hyper intéressant. Je n'avais pas vu le potager comme un acte militant et contestataire.
Reprendre nos libertés commence par notre autonomie.
Moi qui suis un créatif, cela m'embêtait le potager conventionnel et j'ai découvert la permaculture. Je me suis documenté puis pendant six mois je me suis auto formé à travers les vidéos de Damien Dekarz que j’ai ensuite rencontré et qui est un des intervenants du film.
Lorsque l’on régénère la nature, on fait proliférer la biodiversité et on a des zones qui captent mieux l'eau. Ce sont les vases communicants et cette autonomie à tout niveau, c'est bien évidemment l'inverse d'une société hyper consommatrice, hyper productiviste, hyper dégradante.
Je me suis rendu compte que la permaculture, ce n’est pas juste le potager, mais c'est aussi produire son énergie et faire une maison de plus en plus résiliente. C’est vraiment une philosophie de vie au sens global.
"Tous résistants dans l’âme” est un film sur la permaculture au sens holistique.
Produire son alimentation, c'est aussi produire ses plantes aromatiques et médicinales et tout ce dont notre santé a besoin. C'est aussi régénérer les sols grâce à la culture sols vivants et recycler ses déchets.
Lorsque l’on régénère la nature, on fait proliférer la biodiversité et on a des zones qui captent mieux l'eau. Ce sont les vases communicants et cette autonomie à tout niveau, c'est bien évidemment l'inverse d'une société hyper consommatrice, hyper productiviste, hyper dégradante. Enfin, quand on travaille sur sol vivant, on agrade les sols. C'est l'inverse de la dégradation. C'est-à-dire que d'année en année les sols vont mieux capter l'eau et devenir de plus en plus fertiles et productifs. Et c'est la même chose pour notre corps et pour notre immunité naturelle, plus notre alimentation est composée d'aliments naturels plus l'équilibre du vivant agit et notre santé s'améliore.
Le projet du film "Tous résistants dans l’âme” s’apparente-t-il, selon vous, à une expérience de permaculture humaine ?
Absolument.
La permaculture est fondée sur trois piliers : prendre soin de la nature, prendre soin de l'humain et produire abondamment en partageant équitablement. Prendre soin de l'humain c’est la permaculture humaine.
Notre film est une invitation formelle au soin vital à apporter à la nature et à l'humain.
Avec ma chaîne EthiqueTV.fr, où je vais filmer à ma façon des gens qui travaillent sur des choses qui pour moi sont éthiques et qui tendent vers l'autonomie, je fais de la permaculture humaine. Gratuitement, sans monétiser mes vidéos, je vais voir ces gens-là et je partage leurs précieux savoirs autonomistes. Et ça, c'est déjà de la permaculture humaine, c'est prendre soin de l'humain.
"Tous résistants dans l’âme” est positif et présente des témoignages de projets qui fonctionnent sans gros moyens financiers.
Notre film est une invitation formelle au soin vital à apporter à la nature et à l'humain.
Propos recueillis le 30 octobre 2023.
Site internet du film "Tous résistants dans l’âme”
Financement participatif pour l’annuaire des acteurs du naturel
Entrevue précédente du 2 mars 2023 avec Stéphane Chatry et Louis Fouché